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« Refaisons du conseil et de l’expertise-comptable » ou les limites de la digitalisation et des outils

La profusion d’outils numériques participe à une confusion quant au rôle que l’expert-comptable doit jouer auprès des chefs d’entreprise. C’est ce que pense Hervé Puteaux, Président de JPA France, réseau de cabinets indépendants d'audit, d'expertise comptable et de conseil, pour qui il est urgent de revenir à l’essence même de son métier : accompagner et conseiller les dirigeants.

« Refaisons du conseil et de l’expertise-comptable » ou les limites de la digitalisation et des outils

La profusion d’outils numériques participe à une confusion quant au rôle que l’expert-comptable doit jouer auprès des chefs d’entreprise. C’est ce que pense Hervé Puteaux, Président de JPA France, réseau de cabinets indépendants d'audit, d'expertise comptable et de conseil, pour qui il est urgent de revenir à l’essence même de son métier : accompagner et conseiller les dirigeants.

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Expliquez-nous de quels outils vous disposez en tant qu’expert-comptable ?

Historiquement, les experts-comptables sont équipés de solutions « métier ». Il existe un certain nombre d’outils qui permettent  de faire la comptabilité et toutes les obligations liées. Tout cela évolue très rapidement, quasiment chaque mois, avec des solutions toujours plus diversifiées : facturation, suivi budgétaire, suivi des achats, encaissement, décaissement, notes de frais…. Sont également apparues les notions de fintech, de néobanques, d’API, etc...

 

Vous parlez de « paradoxe de la digitalisation » pour la profession : que voulez-vous dire ?

Pour un expert-comptable, ce qu’on appelle la digitalisation c’est la gestion d’un grand volume de données. Cette évolution n’est pas nouvelle, on la voit et on la sent depuis plusieurs années. La difficulté c’est de capter la donnée, d’en disposer, et de réussir à la structurer et à l’organiser pour pouvoir la faire transiter par les canaux adéquats. Les dirigeants de TPE / PME disposent généralement pour cela de plusieurs solutions applicatives qui doivent pouvoir communiquer avec l’outil de production comptable. Concrètement, la problématique c’est de faire en sorte que les outils parlent entre eux. Or on est loin d’un fonctionnement optimum à bien des égards. On a des sources très différentes, chacune nécessitant un paramétrage spécifique. Au final, cet empilement d’outils fait perdre du temps. C’est aussi un empilement de coûts pour l’entreprise.

 

Comment gérez-vous ces évolutions avec vos clients ?

Les demandes de nos clients sont souvent liées à la mise en place de passerelles entre différentes technologies. On doit faire le tampon entre les éditeurs et les prestataires de solutions applicatives pour faire en sorte que ça marche. Or Nous ne sommes pas formés pour ça, même si nous sommes sensibilisés à cette problématique.

 

Il y a trop de sujets sur lesquels nous sommes appelés à intervenir qui ne correspondent pas à notre métier. Et pendant ce temps, on ne fait pas d’expertise-comptable. Cela génère une grande frustration, tant pour nous que pour nos clients.

 

 

Vous voulez dire que la digitalisation vous fait perdre de vue votre rôle fondamental ?

Exactement, aujourd’hui malheureusement on ne fait plus d’expertise comptable. Car trop souvent, ce qu’on nous demande ne correspond pas à notre métier.

 

Ce sur quoi nous devons nous concentrer, c’est l’accompagnement du dirigeant. Le dirigeant en tant que tel, c’est-à-dire sa société, son organisation, et l’ensemble des problématiques qui découlent. Mais aussi le dirigeant en tant que personne, qui a des enjeux patrimoniaux, des enjeux personnels. Notre rôle doit englober toute cette sphère. Or trop souvent, les sollicitations comptables sont de l’ordre technique, et non pas de l’ordre du conseil.

 

 

Quelles solutions alors pour revenir aux fondamentaux selon vous ?

Avant d’accepter un client, il y a une analyse à mener. La dimension de l’environnement technologique doit aussi être prise en compte. S’il accepte de travailler avec un client dans un environnement technologique inabouti, alors un expert-comptable va passer un temps considérable en organisation du dossier, au détriment de l’expertise comptable. Il faut donc focaliser sur nos zones d’expertise et d’expérience. Nous pouvons identifier les acteurs les plus pérennes et performants, pour être en mesure de proposer un package de solutions applicatives dont on sait qu’elles fonctionnent. On en revient là à quelque chose de constitutif de notre métier :  le conseil.

 

Qu’en pensent vos clients ?

D’une manière générale, les clients ont du mal à s’y retrouver et perçoivent malheureusement des informations contradictoires de leurs différents interlocuteurs qui prétendent tous détenir LA solution.

La première étape de l’obligation de conseil d’un expert-comptable devrait  être un audit d’architecture lIT pour savoir si ce qui est pressenti fonctionne. Si un client insiste pour utiliser des solutions dont on sait qu’elles ne vont pas marcher, ce devrait être un critère pour refuser de travailler avec lui.

 

Vous estimez donc qu’il y a une forme de pédagogie à mener ? Rappeler à vos clients que votre expertise est dans le conseil ?

Bien sûr, Un expert-comptable ne peut pas traiter les sujets les plus importants pour un dirigeant s’il passe trop de temps sur la gestion des outils.

 

Dans notre périmètre de compétences, nous devons nous exprimer sur de très nombreux sujets, en particulier auprès des structures les plus jeunes ou dans les TPE/ PME. Or, en raison de contraintes diverses, le plus généralement budgétaires, mais aussi en raison du manque de connaissance de ce que l’expert-comptable peut faire, nous n’en avons que trop peu l’occasion. C’est un sujet dont doit s’emparer la profession.

 

Digitalisation ne rime donc pas avec simplification selon vous ?

Malheureusement, pour l’instant, pas complètement. La simplification promise n’est finalement toujours pas réelle. Matériellement, il y a toujours autant, sinon plus, de travail administratif à produire lorsqu’on est entrepreneur.

 

Notre profession doit donc plus que jamais conserver un rôle d’avertissement pour qu’il y ait enfin des mesures de simplification réellement efficace.  Sur l’aspect technologique, nous devons sensibiliser. Mais nous n’avons pas vocation à trouver des solutions.

 

C’est ce à quoi nous nous attelons au sein du réseau JPA France :  benchmark, retour d’expérience, mise en avant de ce qui fonctionne, alerte sur ce qui ne fonctionne pas. Le réseau nous permet d’avoir un certain volume d’activité et donc une capacité accrue dans nos discussions avec les éditeurs de logiciels.