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« Medico Social : on peut se décréter non-marchand, mais on ne se décrète pas non lucratif »

Spécialiste du secteur non-marchand, et plus particulièrement des entités du secteur sanitaire et médico-social, Pierre Marx nous éclaire sur les spécificités comptables et réglementaires propres à ces activités.

« Medico Social : on peut se décréter non-marchand, mais on ne se décrète pas non lucratif »

Spécialiste du secteur non-marchand, et plus particulièrement des entités du secteur sanitaire et médico-social, Pierre Marx nous éclaire sur les spécificités comptables et réglementaires propres à ces activités.

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Vous êtes spécialiste du secteur non-marchand, comment le définiriez-vous ?

L’objectif premier des structures du secteur non marchand n’est pas la performance financière. Partant de là, et c’est l’une des spécialités du cabinet que je dirige, il faut démontrer auprès de l’administration fiscale qu’une entité est non lucrative, et donc non fiscalisable.

 

On passe donc de la notion de non marchand à la notion de non lucratif. On pourrait penser que ces deux notions se superposent, mais, dans les faits, ce n’est pas toujours aussi évident.

 

La première chose que nous faisons lorsque nous démarrons un dossier, c’est de vérifier, et de valider, que quelqu’un qui se dit du secteur non marchand remplit bien les conditions lui permettant de ne pas être soumis aux impôts commerciaux.

 

À quoi correspondent ces conditions ?

Elles ne sont pas uniquement liées au statut juridique. On peut se décréter non marchand, mais on ne peut pas se décréter non lucratif. L’administration a son mot à dire.

Il y a une réflexion à mener sur plusieurs points.

  1. Tout d’abord, l’entité ne doit pas rendre des services à des entreprises qui en retirent un avantage concurrentiel ou entretenir des relations privilégiées avec des entreprises.
  2. Ensuite, l’entité doit avoir une gestion désintéressée, ce qui signifie, en principe, pas de rémunération pour les dirigeants, pas de distribution de bénéfices et pas d’attribution d’actif.
  3. S’agissant de la rémunération des dirigeants, il existe 2 types d’exceptions, soit la tolérance administrative de ¾ du SMIC ou l’exception légale en faveur des grandes associations.
  4. Pour terminer, l’entité, si elle se livre à une activité concurrentielle, doit exercer cette activité dans des conditions différenciées de celles des entreprises commerciales.

 

En fait, l’entité doit faire la démonstration de son utilité sociale au travers de l’examen du produit, du public, du prix et de la publicité.

 

Qu’est-ce qui permet de justifier l’utilité sociale d’une entité ?

Il y a utilité sociale :

  • si l’entité intervient dans un domaine où les besoins ne sont pas ou sont insuffisamment couverts par le secteur lucratif
  • ou si l’entité s’adresse à un public qui ne peut normalement accéder aux services couverts par le secteur lucratif

Il faut démontrer que l’entité répond à un besoin et que si elle n’existait pas, le consommateur n’aurait pas de solution pour satisfaire à son besoin.

 

Une fois obtenu, le statut non lucratif est-il révocable ?

Il n’y a pas de permanence dans le statut non lucratif, c’est quelque chose qui peut évoluer. Si la façon de pratiquer de l’entité change, il faut garantir qu’elle respecte toujours les critères fixés par l’administration pour justifier de son utilité sociale.

C’est le cas par exemple pour certains EHPAD, structures que nous connaissons très bien chez Pierre Marx & Associés. Lorsqu’ils disposent de l’habilitation à l’aide sociale, l’administration fiscale les considère, à ce jour, comme non lucratifs.

 

Vous intervenez depuis longtemps auprès de très nombreux acteurs du secteur médico-social. Comment l’avez-vous vu évoluer sur les plans fiscal et réglementaire ?

Il s’agit effectivement de ma spécialité puisque j’accompagne des structures du secteur médico-social, en qualité d’expert-comptable ou de commissaire aux comptes, depuis que je suis entré en exercice le 1er septembre 1979 !

 

Les clients dans ce secteur représentent aujourd’hui entre 30% et 40% de notre activité. Mon expertise passe donc par la pratique, mais aussi la veille, et la documentation.

 

Depuis 1988, j’enseigne à l’ESEIS, où j’assure une formation permanente dispensée aux futurs directeurs des établissements médico-sociaux, à qui je présente également une fois par an les principales évolutions fiscales et sociales de l’année écoulée. J’interviens aussi auprès de l’Uriopss Grand Est.

Depuis 40 ans, le secteur médico-social a connu plusieurs vagues d’évolutions majeures. Au niveau réglementaire, tout ce qui se passe à l’hôpital met environ 10 ans à venir dans le secteur médico-social. Le changement le plus important concerne la tarification, puisqu’on est passé d’un tarif à la journée à un dotation globale, et enfin à une tarification à l’acte.

 

Ces changements ont-ils modifié les modes de financements des entités non lucratives du secteur médico-social ?

Pour les institutions du secteur médico-social, la préoccupation première c’est l’humain. Mais pour autant, on ne peut pas ignorer l’équilibre financier. Une entité qui ne génère pas d’excédent est voué à la disparition.

 

Le secteur médico-social est passé d’une époque où les déficits étaient systématiquement repris, c’est-à-dire intégrés au prochain budget, à une réforme, qui est en cours de finalisation, avec l’introduction des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

Il faut donc bien négocier le CPOM puisqu’il est valable 5 ans. Tout ce qui n’est pas dans ce contrat ne trouve pas son implication budgétaire !

Par exemple, si une structure est excédentaire sur un exercice, rien n’empêche en théorie les financeurs de diminuer les dotations l’année suivante.

Pour éviter ce type de désagrément, nous prônons l’insert dans les contrats d’une clause qui stipule que la dotation accordée ne peut pas diminuer dans le temps pour une activité similaire ou équivalente.

Lorsque je conseille mes clients, je fais en sorte qu’ils disposent de l’ensemble des éléments et des arguments dans leurs échanges avec les autorités de tarification.

 

Quelles sont les autres sources de financements existantes ? Existe-t-il des possibilités liées à la gestion de la trésorerie ?

Il est bien évidemment possible d’aller chercher des financements privés, les autorités de tarification encouragent d’ailleurs à aller dans cette voie.

La gestion de la trésorerie excédentaire est aussi envisageable. Le placement financier n’est pas interdit pour les structures associatives, ce qui l’est c’est le placement « risqué ». La problématique qui se pose dans ce cas est de définir le risque.

 

Comment faites-vous profiter de votre expertise vos confrères du réseau JPA France ?

J’échange avec quelques confrères qui sont engagés dans les mêmes problématiques, comme Damien Potdevin de JPA Paris.

J’espère initier quelque chose de plus ambitieux et trouver des synergies avec d’autres cabinets du réseau qui travaillent avec des entités de ce type, car c’est un pan important de l’économie française.